Nouvelles manifestations contre le RCD en Tunisie
Nouvelles manifestations contre le RCD en Tunisie - Le Point
TUNIS (Reuters) - Des manifestations ont repris jeudi en Tunisie pour exiger la fin de l'emprise du RCD, l'ancien parti au pouvoir, sur la vie politique.
Six jours après la fuite du président Zine Ben Ali, les protestataires réclament que les ministres appartenant au RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique) quittent le gouvernement transitoire.
Face à la pression de la rue, les autorités ont annoncé la dissolution du comité central du RCD et un ministre accusé d'être étroitement lié à l'ancien pouvoir, Zouheir M'Dhaffar, ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Fonction publique, a présenté sa démission.
La télévision a également rapporté que les ministres RCD avaient renoncé à leurs fonctions au sein du parti, comme l'avaient déjà fait mardi le président par intérim, Fouad Mebazaa, et le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, mais qu'ils conservaient leurs portefeuilles ministériels.
Cette annonce n'a pas suffi à apaiser les exigences de la population.
A Tunis, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés en fin de matinée devant le siège du RCD, dans le centre. Retranchée derrière des barrières métalliques, la police a tiré en l'air pour tenter de les disperser, sans succès.
Trois à quatre mille manifestants se sont également rassemblés à Gafsa, 350 km au sud de la capitale, a déclaré un syndicaliste, Hedi Radaoui. Une autre manifestation a été signalée à Kef, à 180 km au sud-ouest de Tunis.
UNE BANQUE SOUS TUTELLE
Le cabinet d'union nationale, dévoilé lundi, compte un nombre important de membres de l'ex-équipe dirigeante, ce qui a poussé quatre ministres issus de l'UGTT, le principal syndicat du pays, ou de l'opposition à démissionner 24 heures à peine après avoir été nommés.
S'exprimant mercredi soir à la télévision, Fouad Mebazaa a promis une "rupture totale avec le passé" et le gouvernement a annoncé la libération de tous les prisonniers politiques, islamistes compris.
Les nouvelles autorités traquent parallèlement les avoirs de l'ancien clan au pouvoir. Une banque appartenant à Sakher Materi, un gendre de Ben Ali, a été placée sous le contrôle de la banque centrale, a rapporté la télévision publique. La Suisse a également gelé les avoirs de Ben Ali et ses proches.
Trente-trois membres de la famille du président déchu ont été arrêtés mercredi en Tunisie pour crimes contre la nation. De l'or et des bijoux ont été saisis, rapporte la télévision qui en a montré les images.
Pillages et fusillades ont diminué ces derniers jours dans le pays. Un habitant du quartier de Mouroudj, à cinq kilomètres du centre de Tunis, a toutefois rapporté que la police et l'armée étaient intervenues mercredi soir après que des inconnus ont commencé à tirer. Des hélicoptères ont survolé le secteur et appelé par haut-parleur les habitants à rester chez eux.
A Sidi Bouzid, ville du centre du pays et point de départ de la "révolution de jasmin", où un vendeur ambulant s'est immolé par le feu à la mi-décembre, des habitants estiment que les changements restent insuffisants.
"Le clan Ben Ali est toujours au RCD et il essaie de voler la révolution et le sang des martyrs", déclare Lazhar Gharbi, enseignant et syndicaliste. "On veut la dissolution de ce parti. C'est la solution. Et nous voulons que ses membres répondent de leurs actes de corruption."
BEN BRIK CANDIDAT
Taoufik Ben Brik, un journaliste incarcéré six mois sous le régime de Ben Ali, a déclaré dans une interview à Reuters qu'il serait candidat à l'élection présidentielle anticipée prévue d'ici le mois de mars.
Il estime lui aussi que le RCD doit partir et que "les marionnettes de Ben Ali devraient le rejoindre en Arabie saoudite". "Il est vrai qu'on s'est débarrassé de Ben Ali mais son legs est toujours resplendissant. On a coupé la tête mais le canard court toujours", dit-il.
Le gouvernement transitoire a promis d'enquêter sur les individus qui ont accumulé de vastes richesses sous l'ancien pouvoir, ce qui pourrait déboucher sur une redistribution des avoirs et des partenariats avec les entreprises étrangères.
Sakher Materi, dont la banque Zitouna, première banque islamique de Tunisie, a été placée sous le contrôle de la banque centrale, est un des hommes d'affaires les plus en vue du pays en dépit de son jeune âge, une trentaine d'années.
Actuellement à Dubaï, il assure être prêt à se soumettre à toute investigation des nouvelles autorités.
Son empire s'étend des médias à la banque et aux télécoms. Sa société Princesse Holding détient une part dans l'opérateur de téléphone mobile Tunisiana. Il préside également ENNAKL, un réseau de distribution automobile qui vend les marques Volkswagen, Audi, Seat et Porsche. Dans les médias, Materi a des parts dans le quotidien Assabah, plus gros tirage du pays, et dans la station islamique Zitouna FM.
Par Lin Noueiheid et Christian Lowe, Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Gilles Trequesser
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