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vendredi, mai 20, 2011

Guerre des talents: Est-ce que la chute des puissants est plus dure aux Etats-Unis?

Affaire DSK : "La chute des puissants est plus dure aux Etats-Unis" - Le Monde

"C'est sûr que la justice américaine est beaucoup plus violente [qu'en France]". Le constat est signé de l'ancienne juge Eva Joly, aujourd'hui députée européenne. Inculpé de crime sexuel, jeudi, Dominique Strauss-Kahn devrait être libéré sous caution avant d'être assigné à résidence. La prochaine étape judiciaire aura lieu le 6 juin, lorsque l'accusé devra plaider coupable ou non des sept chefs d'accusation contre lui.

Justice accusatoire, rôle central du procureur, images de l'accusé menotté : l'affaire DSK révèle un fonctionnement judiciaire américain différent du système français. Pour Arthur Dethomas, avocat aux barreaux de Paris et de New York,"ce n'est pas la justice qui est violente mais les images" dans un système où "la chute des puissants est d'autant plus dure".

Dominique Strauss-Kahn doit notamment répondre, devant la justice américaine, des charges d'agression sexuelle et de tentative de viol. Ces actes sont-ils jugés avec plus de sévérité aux Etats-Unis qu'en France ?

Me Arthur Dethomas : Une des grandes différences entre les justices des deux pays est qu'en France, il y a un système d'assimilation des peines. On poursuit un seul crime, en général, celui qui implique la peine la plus lourde. Aux Etats-Unis, au contraire, elles se cumulent. La peine de prison qui est potentiellement encourue se révèle donc beaucoup plus élevée. Or, les charges retenues contre DSK sont très sévères.

Le "perp walk", qui exhibe le prévenu aux caméras, n'a rien d'extraordinaire aux Etats-Unis : cette méthode montre que personne n'est au-dessus des lois – ici, Dominique Strauss-Kahn, le 16 mai 2011 à New York.

Aux Etats-Unis, le "sexual abuse" va très vite : c'est la règle du "no means no"["non, c'est non"]. Même une plaisanterie sexuelle sur le lieu de travail, par exemple, est inadmissible dans ce pays. Ces faits sont poursuivis de façon extrêmement sérieuse par les autorités. Cela s'inscrit dans une différence qui relève plus de la culture que du droit.

Eva Joly évoquait, lundi, à propos de l'affaire DSK, la "violence" du système judiciaire américain. Peut-on parler d'un "choc des cultures" ?

Le choc des cultures repose sur une différence fondamentale entre les Etats-Unis et la France : outre-Atlantique, on voit ce qui se passe dans une affaire judiciaire. Le"perp walk", [cette "marche du suspect" où l'on voit l'auteur présumé des faits avancer menotté] est ancré dans la tradition américaine et a énormément choqué car dans l'Hexagone, on ne montre pas la personne arrêtée au moment du transférement chez le juge.

Mais en France, la justice pénale est tout aussi violente : l'incarcération, la privation de liberté et la garde à vue sont des mesures qui, par nature, marquent l'homme. Ce n'est donc pas exact de dire que la justice américaine est "violente". C'est l'image qui l'est.

Cette façon de montrer la justice en action ne nuit-elle pas à la présomption d'innocence ? Existe-t-il les mêmes garanties du respect de ce principe aux Etats-Unis ?

Ce principe existe de la même façon qu'en France. Il est reconnu, bien que les Américains n'en fassent pas la même lecture : il n'y a pas de loi sur les images[que l'on peut montrer ou pas] et la vie privée est beaucoup moins protégée qu'en France. Mais couvrir un événement [comme l'arrestation de DSK] de façon plus discrète parce que l'accusé est une célébrité aurait été vécu comme un passe-droit. Cette idée est ancrée dans la tradition américaine.

Contrairement au système français, la justice américaine est accusatoire...

Il s'agit en effet d'une démarche à charge. Contrairement à la France, il n'existe pas de juge impartial qui instruit à charge et à décharge. Il y a l'équipe du procureur, d'un côté, qui instruit à charge, et l'équipe de la défense, de l'autre côté, qui cherche des preuves à décharge. C'est à chaque partie de fournir ses preuves. Mais l'accusation dispose des moyens illimités de l'Etat alors que l'accusé a l'air très seul face à un système qui, tout entier, est fait pour l'accuser.

En France, il s'agit, à l'inverse, d'un système inquisitoire : le juge d'instruction dispose des moyens illimités de l'Etat pour mener à bien une enquête, à la fois à charge et à décharge. C'est très rassurant pour quelqu'un qui ne dispose pas d'énormément d'argent ni d'une armée de détectives privés susceptibles d'apporter des preuves au dossier.

Quel est le rôle du procureur dans la procédure aux Etats-Unis ?

Absolument central, particulièrement à New York. C'est le procureur, le "district attorney", qui instruit, à charge. En outre, il occupe un poste d'élu, extrêmement politique, généralement tenu par un démocrate, comme c'est d'ailleurs le cas ici[avec Cyrus Vance Jr]. Comme le procureur a obligation de donner tous les éléments qui sont en sa possession, il ne va donc surtout pas chercher ceux à décharge. Car s'il les trouvait, il devrait les remettre à la défense.

La personne qui devra gérer le dossier contre l'ancien patron du FMI peut en tirer un gain politique phénoménal. On peut jurer que DSK aura face à lui quelqu'un de déterminé à mener cette affaire de telle sorte qu'il puisse en tirer tous les bénéfices politiques pour lui-même. Cela complique la tâche de DSK dans ce dossier.

Le rôle des avocats est également particulier...

La grande différence avec le système français, c'est qu'aux Etats-Unis, les avocats peuvent enquêter. Ainsi, le passé judiciaire, médical, affectif, sexuel de la victime va être observé au microscope par les équipes de la défense pour essayer de mettre en difficulté tout témoignage qu'elle pourrait apporter.

Les avocats de la plaignante, eux, ont un rôle de protection, car la partie civile n'existe pas aux Etats-Unis. La présumée victime pourra éventuellement déposer une plainte civile pour obtenir des réparations, mais dans le cadre d'un autre procès. Le rôle de ses avocats consiste à la protégér de la pression médiatique extrêment forte qui, quand on n'est pas habitué à ce genre de maelström, se révèle d'une violence inouïe. Ils vont également la préparer pour sa déposition, parce que le témoignage a une valeur centrale dans la justice américaine : on témoigne à charge, mais la partie adverse peut ensuite poser des questions qui peuvent se révéler d'une extrême violence. Elle peut aller très loin pour montrer qu'on ne doit pas vous croire.

Ce système – où le fait de s'attacher les services des avocats les plus réputés et les plus expérimentés fait une vraie différence – ne favorise-t-il pas une justice à deux vitesses ?

Ce serait un raccourci facile, en France comme aux Etats Unis. Bien sûr, avoir davantage de moyens donne accès à une équipe de défense plus fournie, avec des avocats plus expérimentés. Il est vrai qu'aux Etats-Unis, le système accusatoire implique énormément de moyens pour apporter des preuves. C'est en ce sens-là que l'on peut parler d'une justice à deux vitesses.

Néanmoins, tout le monde est traité à la même enseigne. J'entendais Robert Badinter affirmer qu'il était choquant de traiter Dominique Strauss-Kahn comme un"minable dealer". C'est donc en France qu'il y aurait une justice à deux vitesses : on a peut-être tendance à mieux protéger les puissants et à prendre moins d'égards avec les faibles. Aux Etats-Unis, le traitement des gens célèbres n'est pas différent : pas de quartiers VIP dans les prisons, pas de passe-droits. La chute n'en est que plus dure si vous êtes puissant.

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