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dimanche, mai 15, 2011

La forêt d’Einsiedeln choyée depuis dix siècles


La charpente de l’église du couvent a été réalisée avec le bois de la forêt de l’abbaye.
La charpente de l’église du couvent a été réalisée avec le bois de la forêt de l’abbaye. (Keystone)

Par Luca Beti, swissinfo.ch


Depuis plus de mille ans, l’abbaye d’Einsiedeln vit en harmonie avec la forêt, gérée dans le respect de la règle bénédictine. Cette gestion rationnelle et durable a reçu en 2011 le Prix Binding – le plus important dans le domaine environnemental en Suisse.


Pour vous saluer, le parfum de la résine et du bois. Une odeur qui vous enveloppe et vous accompagne dans le labyrinthe constitué de hauts tas de planches bien ordonnés, de troncs amoncelés et de machines au repos. Vous le suivez comme un fil d’Arina pour venir vous cogner au hurlement de la machine qui saisit les troncs pour les écarteler et les transformer en planches.

Nous voici à la scierie du couvent d’Einsiedeln. Pour une fois, ce n’est pas l’odeur de l’encens, le son de l’orgue, les stucs pompeux et les fresques de l’église baroque, voire la bibliothèque du couvent qui sont au centre de l’attention. Mais la forêt de la fameuse abbaye bénédictine, sise dans le canton de Schwyz. Une forêt qui vient d’obtenir le Prix Binding, l’un des plus prestigieux d’Europe en matière environnementale.

«Ce prix est une reconnaissance et une confirmation de la qualité de nos activités forestières», juge Daniel Mayer, garde forestier en charge de la forêt du couvent depuis 25 ans. Une sylve avec laquelle il entretient un rapport quasi paternel. «Je l’accompagne comme une fille à mesure qu’elle grandit, la respectant et la gérant de manière durable. J’essaie de penser à son avenir et de la préparer à l’affronter.»

Depuis plus de mille ans, le couvent d’Einsiedeln est intimement lié à la forêt. Le lieu où se trouve actuellement le monastère porte le nom de Forêt sombre, une forêt particulièrement dense et dangereuse – caractéristique qui a coûté à la vie au premier ermite bénédictin Saint-Meinrad, tué par deux brigands.

«Aujourd’hui, la forêt n’est plus un lieu lugubre. Au fil des siècles, elle a été gérée avec soin et respect, selon la règle bénédictine. Ainsi, nous avons apporté notre contribution à la protection de la Création», explique Lorenz Moser, le trésorier du monastère. Ce sont justement ce respect, cette vision à long terme et cette gestion responsable qui ont convaincu le jury du Prix Binding.


Daniel Mayer, le garde forestier du couvent d’Einsiedeln.

Daniel Mayer, le garde forestier du couvent d’Einsiedeln. (swissinfo)

Du poêle au chauffage à pellets

La propriété forestière des moines est dispersée dans les cantons de Schwyz, Zurich, Thurgovie et dans le Vorarlberg autrichien. Sa superficie de quelque 1000 hectares en fait la plus grande forêt privée de Suisse. Elle pousse de 460 m d’altitude à la limite des arbres et se compose de conifères et de feuillus.

«Le bouleau est très fréquent. A l’époque, les moines chauffaient leurs cellules avec des poêles. Ils savaient que le bois de bouleau a un rendement calorique bien supérieur à celui du mélèze ou du sapin», explique le père Lorenz Moser.

Aujourd’hui encore, le couvent est chauffé au bois. Mais la pomme de pin a fait place au chauffage à pellets. «Il y a vingt ans, le couvent a décidé de mettre l’accent sur les énergies renouvelables. Avant, on brûlait 750'000 litres de mazout pour chauffer l’ensemble du monastère. Depuis 1991, nous consommons 5300 m3 de copeaux de bois, avec un bilan nul en terme d’émissions de CO2», indique Daniel Mayer. Ce projet pionnier a coûté 16 millions de francs – une somme dégagée par la vente d’une école agricole à Pfäffikon.

En plus de l’installation de chauffage ont été construites une scierie ainsi qu’une structure destinée au séchage des planches et des poutres. «Nous travaillons environ 6000 m3 de bois par an. Deux-tiers sont utilisés comme matériau de construction, le troisième tiers finit dans la réserve à copeaux», explique le forestier.


Vers l’autosuffisance énergétique

Après deux décennies, ce dispositif avant-gardiste n'est toutefois plus tout à fait au goût du jour. Le monastère étudie la possibilité de se rendre complètement indépendant du point de vue énergétique, en recourant davantage encore aux énergies renouvelables. «Le but, c’est d’atteindre l’autosuffisance dans dix ans», annonce le père Moser.

«L'objectif est de réduire la consommation énergétique de 25% par optimisation, à travers différentes mesures comme la réduction des pertes de chaleur et l’utilisation de copaux de bois secs. Nous voulons aussi exploiter la chaleur du sous-sol avec des pompes à chaleur ainsi que le soleil avec une installation photovoltaïque», explique Daniel Mayer. Ce dernier ajoute que les coûts du projet sont estimés entre 5 et 6 millions de francs.

Les 200'000 francs du Prix Binding seront partiellement investis dans l’étude de faisabilité concernant l’optimisation énergétique du monastère. Une autre partie permettra la création d’un habitat pour la gélinotte, dont la présence dans les forêts suisses se fait de plus en plus rare.

«Il s’agit d’un projet entamé par le canton de Schwyz depuis plusieurs années, avec la création et l’entretien de structures arborées idéales pour la gélinotte des bois. Nous voulons maintenant poursuivre le projet en l’axant sur l’étude génétique de ce tétraonidé», précise Daniel Mayer.

De bois obscur, la forêt qui entoure le monastère d’Einsiedeln a été transformée au cours du dernier millénaire en une zone de protection, de production et de délassement, où il est possible de rencontrer des animaux sauvages, des touristes et, parfois même, des moines bénédictins.

«Je n’ai pas beaucoup de temps pour profiter de notre forêt, assure le père Moser. Mais on trouve toujours un moment pour venir cheminer sur ses sentiers.»


Luca Beti, swissinfo.ch
Einsiedeln
(Traduit de l’italien par Pierre-François Besson)

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