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samedi, juin 20, 2009

Etat de confusion en Iran

Témoignages d'Iran: "Nous n'avons plus d'espoir"

Alors que l'Iran s'enfonce dans une crise politique majeure, la voix de ses habitants peine à passer les frontières. Les tentatives des médias occidentaux de faire parler les acteurs de cette crise se heurtent à deux obstacles: le blocage des communications par le pouvoir, blocage intermittent mais réel, et la peur des opposants de s'exprimer.
La rédaction du Monde a joint six Iraniens et un Français habitant en Iran. Elle connait certains de ces interlocuteurs, d'autres non. Tous ont demandé que leurs propos soient anonymes. La rédaction livre leurs témoignages bruts, recueillis par courriel et par téléphone. Le Monde a recueilli les deux témoignages ci-dessus vendredi 19 et samedi 20 juin.

H. a 31 ans et habite Téhéran. Elle travaille dans le commerce.

"Personne n’a été surpris par le discours de Khamenei, vendredi. Le guide suprême disait qu’on ne peut plus rien faire, qu’on ne reviendrait plus sur les élections. L’écouter m’a fait peur. C’était comme si l’histoire se terminait ici et que chacun doit rentrer chez soi et reprendre une vie normale. Nous n’avons plus d’espoir, maintenant, de voir les élections annulées. Ce qui reste, c’est une grande tristesse de voir que le peuple a été à ce point insulté. Depuis une semaine qu’a commencé le mouvement, j’ai participé à plusieurs manifestations. Au début l’ambiance était différente. Les gens souriaient malgré leur haine. Ils étaient silencieux, mais pas tristes. Ils avaient peur, aussi: on ne voyait que des adultes, pas d’enfants ni de personnes âgées. Il y avait une sorte de solidarité, comme ce marchand qui distribuait ses jus de fruits aux manifestants. On se rappelait tous la révolution en 1979. Les slogans n’ont pas changé mais l’ambiance a petit à petit changé. Elle est devenue plus tendue. Pourtant, les gens participent de plus en plus, ils viennent avec leurs enfants et toute la famille. Ces deux derniers jours, les gens sont de plus en plus tristes. Ils brandissent des photos des manifestants qui ont été tués pendant la semaine. Ils sont en deuil et ils ont tous peur, parce qu’on dit que les hommes de sécurité sont infiltrés dans la foule. Ce qui fait particulièrement peur, c’est que les étudiants qui ont été arrêtés ne sont pas dans la grande prison Evin. Ils sont dans les sous-sols du ministère de l’intérieur et ont été torturés."

R. a 26 ans et habite Téhéran. Elle est ingénieur et travaille dans le secteur pétrolier.

"Je n'ai pas été surprise par la prise de position de Khamenei. Il y a quelques temps de cela, dans un discours, il avait dit à Ahmadinejad de se préparer à être président pendant huit ans. Les analyses que l'on entend en Iran à ce sujet c'est que Khamenei fait tout ça pour renforcer son pouvoir personnel: éliminer les personnes plus éduquées que lui et celles qui étaient plus proches de Khomeiny. Ce discours faisait peur, aussi. Il sonnait comme une déclaration de guerre! Probablement la guerre du peuple contre le peuple…
J'ai participé à toutes les manifestations depuis lundi. Je n'ai personnellement pas vu de violences, seulement entendu des coups de feu. Mais je crains que ça ne change à partir de maintenant. Khamenei a donné le coup d'envoi de la répression. Dans les autres villes, je crains que le mouvement s'essouffle. En province, la répression est plus brutale, et puis les gens sont plus facilement identifiables dans une petite ville. Nous avons encore de l'espoir. Combien? Je n'en suis plus sûre…"
Les témoignages suivants ont été recueillis en milieu de semaine.

A, joint par téléphone, habite à Téhéran et a une trentaine d'années. Il est étudiant.

"J'habite chez mes parents dans le nord de Téhéran. J'ai participé à trois manifestations. Comme la plupart des gens que j'ai croisés, c'était une décision spontanée, le besoin d'être ensemble pour dénoncer ce retour en arrière que nous impose Ahmadinejad. Le mélange de peur et d'espoir qui anime les manifestants est très frappant. Les gens ont conscience d'être à un tournant, que des choses peuvent changer. Mais ils sont aussi terriblement inquiets pour leur sécurité. La mainmise du régime est énorme: les portables sont coupés, Internet fonctionne au ralenti, les SMS ne passent pas, les chaînes satellite sont brouillées. C'est donc difficile de s'informer, mais aussi de s'organiser. De nombreux sites se sont créés pour permettre aux gens de communiquer. Mais même là, même sur Internet, ça grouille d'espions. Des gens vous demandent parfois des renseignements personnels, or on ne sait pas qui ils sont. On ne peut faire confiance à personne, c'est extrêmement pesant dans cette période où l'on ressent par ailleurs de l'espoir. J'ai entendu beaucoup de cas de personnes arrêtées; une dizaine, autour de moi. Ils sont gardés dans des lieux secrets. Je pense que leur sort dépendra de la suite des événements. Théoriquement, la situation est grave pour eux: le point de vue officiel du régime est que les manifestations sont guidées de l'étranger par les ennemis de l'Iran. Les activistes arrêtés peuvent donc être considérés comme des espions. Ils risquent la mort."

M., joint par téléphone, habite à Téhéran et a une trentaine d'années. Il est ingénieur et travaille pour le gouvernement.

"Les événements que nous vivons aujourd'hui ont commencé avant les élections. La campagne a ouvert une période de liberté, de débat. Alors, quand les résultats ont été annoncés, le choc a été énorme, avec l'impression d'un brutal retour en arrière. Presque tout le monde ici, à Téhéran, est convaincu qu'il y a eu fraude. Les gens sont descendus dans les rues spontanément. Sous l'effet de ce choc et parce qu'ils avaient pris l'habitude de s'exprimer pendant la campagne. Dès le premier jour, les gens ont voulu se retrouver et partager ensemble les déflagrations de ce choc; les rues étaient remplies de monde jour et nuit. Je ne sais pas si des groupes spécifiques, des organisations partisanes, ont contribué à lancer les événements, mais la plupart des gens sont descendus spontanément dans les rues. Surtout des jeunes, entre 20 et 40 ans; beaucoup de femmes, peut-être la moitié des protestataires; des gens des classes moyennes et supérieures, mais qui n'ont pas peur de perdre ce qu'ils ont pour pouvoir dire ce qu'ils ont à dire. Tout le monde, dans cette foule très soudée, n'a évidemment pas les mêmes attentes. Je dirais que 80 % des manifestants sont juste choqués par les fraudes, ils veulent que leur voix soit prise en compte, "Where is my vote?", leur principal slogan. Les 20% restants sont plus radicaux, ils en veulent au système dans son ensemble. Mais tout le monde est fatigué du régime, de ses échecs, de son extrémisme sur la scène internationale. J'ai assisté à de très dures scènes de violence. Samedi soir, par exemple, dans la rue Mirdamaad, des manifestants ont attaqué deux banques et un bus. Des policiers en moto sont arrivés et ont frappé la foule avec une violence extrême, sans faire de distinction entre les casseurs et les autres. Ils ont cassé toutes les vitres des bâtiments autour, pour créer une panique. Les riverains ont ouvert leurs portes pour nous permettre de nous réfugier, mais les policiers ont investi certaines maisons et ont continué à casser et frapper. Malgré cette violence, je ne sens pas le pays sombrer dans une haine entre les deux camps. Il n'y a pas de réel dialogue entre les partisans de Moussavi et ceux d'Ahmadinejad, mais chacun comprend l'autre et ses motivations. Dans la rue, j'ai vu passer une voiture: les parents brandissaient des portraits d'Ahmadinejad; les enfants des portraits de Moussavi."

S., interrogée par courriel, habite à Téhéran et a 47 ans. Elle travaille dans un commerce et n'a pas touché de salaire depuis janvier.

"Les manifestations ont commencé place Vanak, samedi après-midi. Le matin, tout le monde était sous le choc et cherchait à comprendre ce qui se passait. Je travaille avenue Vali Asr (Vanak est une grande place et Vali Asr la traverse), j'ai rencontré les manifestants en sortant du travail à 16 heures. J'ai rencontré des gens de la classe moyenne, des employés, des commerçants du quartier, des jeunes (femmes et hommes), beaucoup de femmes (jeunes et plus âgées). On dit que les gens des quartiers pauvres du sud de Téhéran ne participent pas au mouvement, mais à Islam Shahr il y a des protestations. Dans mon quartier, les gens s'installent sur les toits et crient "Allah o akbar", "A bas le dictateur", "A bas le dictateur nain", les Iraniens ne peuvent pas s'empêcher d'être comiques et même "A bas Khamenei", "Rendez-nous nos votes", "Avec l'aide de Dieu la victoire est proche" qui était un slogan de la révolution de 1979 contre le shah. Les quartiers de l'ouest de Téhéran sont aussi en crise : Saadat Abad, Shahrak Gharb, Gueisha, Shahr Ara, avenue Shariati, avenue Pasdaran, Park Way sur Vali Asr et tout près du siège de la radio et de la télé, Niavaran, Tadjrish... Youssef Abad,Vanak... beaucoup de quartiers du centre et du nord de la ville. Ce que les manifestants veulent? Crier leur colère et obtenir le départ d'Ahmadinejad. Ils demandent à éclaircir les résultats du scrutin, ils ont l'impression d'avoir été trahis. Beaucoup de gens autour de moi ont voté pour la première fois. Autant des ouvriers que des employés ou des personnes contre le régime. Tout le monde a senti un vent de liberté pendant la campagne électorale, surtout après les débats télévisés. Beaucoup en avaient assez des politiques désastreuses d'Ahmadinejad: isolement de l'Iran dans le monde, problèmes économiques et inflation, manque de liberté et censure, cette propagande insupportable qui dit que l'Iran est en marche vers la prospérité et la gloire... Nous pensons que nous assistons à un coup d'Etat.

La police est présente dans la rue mais pas beaucoup plus que d'habitude. Ceux qui attaquent les manifestants sont les gardes spéciaux, les agents Ettelaatis (l'équivalent des renseignements généraux), les bassidjis (des milices de volontaires) et des milices qui n'ont pas d'uniforme. Samedi, ils tapaient sur les gens, et défilaient glorieusement en moto sur l'avenue Vali Asr. Ils attaquaient par vague la manif, à pied ou à moto, tiraient des balles en l'air, tapaient avec des bâtons et utilisaient des gaz lacrymogènes. Dimanche, la petite place près de chez moi était noire de bassidjis armés jusqu'aux dents, qui écoutaient le discours victorieux d'Ahmadinejad et attendaient les protestations du soir. C'était effrayant. Comme ils n'avaient pas l'air méchant, j'ai osé demander: qu'est-ce qui se passe? Notre président a dit que l'Iran est le pays le plus calme du monde! Que faites-vous là? Ils ont répondu: C'est pour votre sécurité, madame!"

Z., interrogé par courriel, habite à Téhéran.

"Téhéran est en feu. Il y a des manifestations partout. Les bassidjis sont armés de chaînes, de couteaux et aussi d'armes à feu. Ils sont habillés en civil et sont difficiles à identifier. Ce sont eux qui vandalisent les biens publics mais la télévision d'Etat accuse les partisans de Moussavi, alors que ceux-ci sont pacifiques et cherchent à éviter les affrontements. Les bassidjis ont attaqué l'université de Téhéran et tué huit personnes, deux garçons et six filles. Ils stationnent devant les hôpitaux de la ville pour arrêter les gens blessés qui viennent se faire soigner. Plusieurs personnes ont été kidnappées et on n'a aucune nouvelle d'eux depuis."

A., interrogé par courriel, habite à Chiraz, dans le sud du pays.

"J'ai été prévenu hier que je ne devais avoir aucun contact avec les médias étrangers, sous peine de quoi je serais arrêté. Les SMS, Facebook, rien ne marche. Dans ma ville de Chiraz, sept ou huit personnes ont été tuées. Ceux qui sont blessés n'osent pas aller à l'hôpital par peur des bassidjis. Ceux-ci remplissent des tuyaux en PVC avec du ciment pour en faire des matraques. D'après ce que j'entends dire, la répression est plus terrible dans les provinces qu'à Téhéran."

E., joint par téléphone, est français. Depuis quatre ans, pour son travail, il passe régulièrement plusieurs mois en Iran. Il habite une petite ville du sud du pays.

"Dans la petite ville où j'habite, le mouvement de protestation arrive tout juste. Comme à Téhéran, les gens commencent à investir les toits pour crier leurs slogans. Mes collègues continuent à venir au bureau, mais ils ne travaillent pas vraiment: ils cherchent des informations. Ce qui est difficile, les mails et les téléphones étant la plupart du temps coupés. La surprise et le choc provoqués par l'annonce des résultats peut se comparer, pour moi, avec la présence de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la présidentielle, en 2002. Ce résultat semble incompréhensible. Depuis quatre ans, presque tous les gens que je rencontre m'expliquent qu'ils en ont marre du régime. Et pas seulement des managers ou des cadres, des chauffeurs de taxi, aussi. Depuis les élections, il m'arrive d'avoir des discussions politiques qui réunissent trois ou quatre personnes. Les langues se délient. C'était inenvisageable avant: entre eux, les Iraniens ne parlent pas de politique, il y a une chape de plomb. A moi, ils me parlent parce que je suis étranger."
La communauté internationale inquiète Le Point
Le Parisien - Europe1 - nouvelobs.com - Radio-Canada

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